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Lecture de contes à Villetaneuse

08 / 02 / 2016 | Ledoux, Marc

« Quand je commence à lire, ce qui m’impressionne d’abord, c’est le silence qui s’installe. Puis vient le plaisir. Des yeux qui pétillent, des regards attentifs, des sourires, de l’effroi. Plaisir des mots, des images, du voyage. » confie Emmanuelle Tronche, professeure d’Histoire et Géographie en Éducation prioritaire. Stimuler l’imaginaire des élèves, enrichir leur vocabulaire, les confronter à une langue et à une syntaxe soutenues, tout en débattant des interrogations fondamentales, voilà l’objectif qu’elle poursuit, accompagnée par ses collègues du collège Jean Vilar de Villetaneuse. Avec son livre de contes, comme Hermès derrière son rocher, Emmanuelle Tronche a le pouvoir de remonter dans le temps, et pas seulement pendant son cours d’Histoire. Entourée d’une équipe de professeurs disciplinaires, du professeur documentaliste et de l’infirmière, elle a su démontrer l’utilité d’une médiation culturelle pour accompagner efficacement les élèves dans leurs apprentissages scolaires. Formée aux idées du pédagogue et psychologue Serge Boimare, qui promeut une pédagogie de la médiation, elle est impliquée avec ses collègues dans un projet de lecture quotidienne de contes en classe de sixième. Cette action mobilise une équipe de professeurs volontaires pour mieux renforcer l’acquisition du « Lire, écrire, parler ». Force est de constater que ce projet, soutenu par le Principal, Patrick Grohan, qui aime à impulser le travail collaboratif de l’équipe éducative, a rencontré l’adhésion de tous, enseignants, parents et élèves. Patricia Vollot, l’infirmière du collège, rencontre les élèves en classe pour leur lire des épisodes des aventures d’Hermès et constate que les élèves font un travail de réflexion à partir de ces lectures. Les histoires dans lesquelles Hermès et les autres personnages se trouvent impliqués convoquent les notions de parentalité, de citoyenneté, d’amitié, de respect et de responsabilité : « lors de leurs échanges, par exemples autour de la citoyenneté et des valeurs que cela implique, ils apprennent à se respecter les uns les autres ».

Écouter, participer, rédiger. 

Le projet articule, selon un schéma itératif, l’écoute, la prise de parole et la prise de notes, et ce, chaque jour de la semaine. Tout commence par la lecture d’un conte tiré des œuvres issues de la mythologie. Cette lecture est prise en charge aussi bien par l’enseignant qui reçoit les élèves à la première heure de cours prévue à l’emploi du temps, que par le professeur documentaliste ou l’infirmière qui se sont volontiers prêtés au rituel institué. Après ce moment d’écoute attentive de la lecture, à peu près vingt minutes, s’ensuit, pendant à peu près dix minutes, une discussion autour de ce qui a été lu. Émergent alors les questions, les réflexions et les remarques. Enfin un temps de passage à l’écrit permet de reprendre les questions orales et d’y apporter, en les rédigeant sur un cahier -appelé pour l’occasion, le cahier d’écrivain-, des réponses individuelles. Les élèves qui habituellement n’écrivent pas ou écrivent peu sont alors incités à s’exercer au passage à l’écrit, absolument nécessaire aux apprentissages scolaires. Et la rédaction d’un journal de la classe, en ligne, a même été proposé aux élèves. Anaïs Gérard, professeure de lettres, souligne à quel point ce projet lecture permet d’éveiller la curiosité des élèves : « ils manifestent vivement leur intérêt quant à la connaissance des textes fondateurs parce que traitant de valeurs universelles, les extraits choisis permettent de répondre à de nombreuses questions  », précise-t-elle. “Pour un professeur de français, ce projet apparaît comme une véritable réussite dans la mesure où il engendre chez certains un réel plaisir d’écrire”. Et de conclure : « la publication d’un journal motive les élèves qui prennent le temps de travailler rigoureusement leurs productions, s’interrogeant alors réellement sur la langue".

Donner la parole à l’oral pour enclencher l’écriture.

Reprenant une question qui a été posée, formulée par les élèves eux-mêmes lors de la discussion, les élèves essaient d’y répondre par écrit, et développe la réponse. Aussi cette confrontation avec la solitude inhérente à l’acte d’écrire devient-elle, au fil des jours, de moins en moins angoissante, et ce, du fait de la prise de distance. “Aussi le projet lecture permet-il à tous les élèves d’aborder la lecture et l’écriture, avant tout, comme un plaisir qui les amène, ainsi, à écrire plus facilement”, précise Myriam Belhadjali, profeseure de Lettres. Et Florence Védérine, professeure d’anglais, voit dans la mythologie “un vrai terreau culturel qui permet de faire des ponts” et constate que les élèves enrichissent de jour en jour leur vocabulaire. Le conte mythologique pourrait apparaître comme éloigné de l’univers quotidien des élèves mais il n’en est rien. Parce qu’elles traitent de l’amour, de la jalousie, de la toute puissance, de la violence, de l’autorité, de l’amitié, de la filiation, les histoires lues permettent aux élèves de se construire un monde intérieur où naissent des pensées, en dehors des affects à l’état brut. Au fur et à mesure de cette innutrition, les élèves élaborent des images sur lesquelles ils peuvent s’appuyer et leur vocabulaire peut aussi s’enrichir et être utilisé à cette occasion.

Le travail de l’écoute et de l’argumentation.

Force est de constater que l’argumentation et le questionnement ne cessent de se développer, que la parole circule de mieux en mieux, que l’écoute mutuelle progresse et que tous les élèves rédigent de plus en plus et de mieux en mieux en fin de séance. Les élèves ont du plaisir à entendre les histoires des héros qu’ils suivent au quotidien. Ces derniers leur deviennent familiers et plus les élèves s’attachent à eux, plus ils formulent des hypothèses de lectures et se questionnent sur les possibles narratifs. Tous ces récits permettent un recul et un début de métabolisation des sujets problématiques. Ainsi, la place trop souvent obstruée pour commencer à penser, pour faire des hypothèses, pour oser se tromper, pour s’autoriser, commence à se libérer. Et comme des prolongements pédagogiques sont parfois faits à partir de ces lectures (réalisation en cours de technologie de baskets à partir des chaussures ailées d’Hermès, réalisation en cours d’Arts Plastiques de petits livres illustrés de la mythologie grecque, initiation en cours d’EPS à la lutte gréco-romaine), ce projet aide les élèves à conscientiser les compétences que l’école requiert. Et Patrick Grohan de conclure : “Ce type d’initiative est à encourager et à développer, pour consolider les apprentissages, développer l’intérêt, la curiosité, l’attention et la réflexion des élèves”.

J-P Taboulot, IA-IPR : Garantir l’acquisition du « lire, écrire, parler » est la première priorité affichée dans l’actuel Référentiel de l’Éducation Prioritaire. L’ambition est noble, essentielle mais parfois difficile à honorer pour certains élèves réfractaires depuis longtemps à l’univers de l’écrit ou même à la parole de l’École. Un projet tel que celui entrepris par l’équipe du collège Jean Vilar de Villetaneuse mérite à cet égard d’être fortement encouragé et valorisé, et cela pour plusieurs raisons. Pour sa fréquence tout d’abord : l’action se répète quotidiennement, créant une familiarité avec les usages du dire, du lire et de l’écrire. Pour sa modestie, sa simplicité de mise en œuvre et son caractère concret : chaque jour, les élèves de 6e concernés sont immergés dans des histoires, sont invités à s’exprimer et dialoguer, sont amenés à prendre le stylo. Pour le tissage subtil et naturel qui s’opère entre la réception et l’activité ensuite de production, entre l’oral et l’écrit, entre le singulier et le collectif, entre le subjectif et la prise de distance. Pour les résonances profondes que les textes choisis peuvent avoir chez des enfants et de jeunes adolescents : on ne lit pas ici que pour apprendre à mieux lire mais on lit ici, on échange et on écrit au sujet de grands textes qui établissent des échos avec ce que nous sommes en tant qu’humains, avec ce que nous pouvons vivre et éprouver, qui nous enrichissent. Pour, enfin, le droit à l’expression libre, au tâtonnement, à l’initiative de pensée qui est donnée aux élèves. Ces heures, simples mais si précieuses, contribuent indéniablement, on le voit, à consolider des apprentissages mais aussi à former des esprits, des sensibilités et à donner le goût ; autant d’objectifs que l’École a à cœur de poursuivre chaque jour.

Merci à Murielle Szac, auteure des trois feuilletons Thésée, Hermès et Ulysse.

Hemès confiant Dionysos aux Nympes de Naxos - Collin de Vermont

 

 

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